Jean-Pierre Portevin Mofant LA FILLE EN ROUGE

LA FILLE EN ROUGE

Le titre change car le précéden n’était pas parlant je mettrai la nouvelle couverture bientôt

À la fille en rouge

  Je regardais Faustine d’un œil distrait. Elle ne bougeait toujours pas. Le drap chiffonné  recouvrait à peine ses longues jambes. La grosse valise qui m’attendait près du lit me préoccupait  bien plus qu’elle. N’y voyez aucune forfanterie, plutôt une sorte d’angoisse. Dans quel guêpier allais-je encore me fourrer ?

Elle respirait calmement et l’espace d’un instant, je ne pus détacher mon regard du drap qui se soulevait en cadence. Je m’étais levé bien avant elle, comme d’habitude. J’en avais profité pour aller me doucher. Faustine dormait toujours. Visiblement, elle n’avait pas l’air plus troublée que ça par mon prochain départ. Une heure que  je tournais en rond, attendant que mademoiselle veuille bien se réveiller ! Comme d’habitude cela prit un peu de temps. Le rituel débutait en général par un long feulement – elle a toujours eu ce côté animal qui m’avait tout de suite séduit – puis, elle s’étirait consciencieusement. Une fois l’exercice fini, car c’était bien un exercice, toutes les articulations étant passées en revue les unes après les autres, elle se dressa nue devant moi, s’amusant comme toujours du trouble que cela provoquait en souriant. Animale et enfantine, cela la résume assez bien finalement. Un matin presque banal en quelque sorte, du moins pour elle. Se rendait-elle compte que j’allais bientôt partir pour deux longues années qui risquaient fort de mettre à mal notre relation ? Nous avions convenu que les adieux déchirants sur le quai de la gare n’étaient pas faits pour nous. Nous aurions été là, comme deux imbéciles, à ne pas savoir quelle attitude prendre. Nous aurions dit des phrases toutes faites ou balbutié n’importe quoi ! Mieux valait se quitter ainsi comme si de rien n’était. Elle y réussissait visiblement très bien. Un dernier baiser, presque quotidien et la porte s’ouvrit. C’est elle qui me poussa, doucement, au dehors. Une fois dans la rue je marchais vite vers la gare, tête baissée, un pas l’un après l’autre.

   Dès qu’il fut parti, Faustine s’emmitoufla du grand châle dont elle avait l’habitude de s’envelopper quand elle avait froid. Nous étions pourtant au cœur d’un été qui portait haut ses couleurs. Elle s’accroupit dans un coin de la pièce.  Pour son malheur, elle s’était mise en face du grand miroir, à terre lui aussi.

Elle venait de passer sa nuit à faire l’amour, avec sa rage habituelle.  Il n’y avait rien de calculé dans ses étreintes. Mais le miroir était là, elle était seule et au-delà de sa bouche aux lèvres gonflées, presque épaisses, de ses yeux cernés,  elle ressentit au plus profond, une infinie tristesse, comme un grand vide. Curieuse impression, nouvelle et troublante. Se serait-elle  prise au jeu ? Avait-elle eu tort de le laisser partir, comme tous les autres ?

Journal de la fille en rouge (extrait)

Encore quelques affaires à enfourner dans le gros sac, la valise étant déjà remplie  et je serais enfin prête. Mes parents m’attendent dans la voiture mais hors de question de partir sans mon doudou d’enfant. Ô je n’ai rien d’une gamine malgré mes 20 ans. Oui, Oui j’arrive ! Mais qu’ils arrêtent de klaxonner : à croire qu’ils sont pressés de me voir partir ! Moi aussi d’ailleurs, ils vont me manquer mais celui qui m’a trahie beaucoup moins. Je ne suis pas fâchée de mettre de la distance entre lui et moi. Qu’il ne m’aime plus est une chose, qu’il n’ait pas eu le courage de me le dire en face en est une autre et pour achever le tout qu’il m’abandonne  pour aller compter fleurette à ma meilleure amie  ajoute à l’écœurement. La lettre de « ces deux là », comme je les appelle désormais, était mièvre : un salmigondis de justifications ineptes. A les lire, c’est presque de ma faute. Elle est passée directement de ma boite aux lettres à la poubelle de la cuisine.

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