Le crieur d’orion

J’ai écris il y a quelques années le livret d’une comédie musicale intitulée “Le maître des voix” qui a connu un beau succès local (2000 spectateurs). Je me suis servi du thème pour en faire un roman de “space fantasy”.

Sur la tranquille planète Orion réputée pour son université inter-galactique, Orius se prépare à devenir traducteur impérial. Avec ses amis, il profite d’une vie facile et insouciante. Celle-ci va être bousculée par l’invasion du Setãn, empereur d’Iluna, une planète en perdition qui a besoin d’un nouveau monde.

Face à la cruauté de cette attaque, Orius va se retrouver embarqué dans la confrérie des masques, garde du corps de la belle princesse Oriana, aidé par le vieux gardien de la tour du savoir et du peuple ordinaire, il va lutter grâce au crieur un être légendaire dont le pouvoir réside dans la vibration des mots.

1er chapitre :

1

Orius

            Orius se retrouvait souvent au centre de connexion : un lieu bien agréable pour la jeunesse dorée d’Orion, sa planète d’origine. C’était un jeune homme plutôt mignon à en croire le nombre de ses conquêtes. Des yeux clairs, une chevelure à la mode d’Orion ramenée en catogan. Une petite barbiche taillée avec soin, suffisamment longue pour qu’elle puisse être tressée. Il avait tous les attributs du séducteur de salon, y compris une certaine arrogance consistant à trouver normal que la vie lui octroie les bienfaits que l’on peut souhaiter quand on a devant soi un avenir tout tracé. Il aspirait comme ses camarades de l’université inter galactique, à concrétiser rapidement ses projets grâce à une maîtrise parfaite des langues permettant ainsi de nouer des relations, d’acquérir l’expérience nécessaire et qui sait, obtenir des postes importants, peut-être même un poste de traducteur au sénat.

Il se laissait ainsi bercer par cette atmosphère langoureuse caractéristique de sa planète. Il faut bien reconnaître qu’Orion avait tout pour engourdir l’âme et le corps. Des paysages magnifiques luxuriants à souhait avec le climat qui va avec : chaud et humide : en particulier les grandes cascades qui dominent l’Özen le fleuve royal. Des roches acérées comme l’acier, que l’on voit de loin et qui le soir tombant, reflètent les lueurs orangées des trois soleils qui réchauffent la planète. Une eau pure et cristalline tombe d’un à pic de trois cent mètres. On a beau forcer le regard, il se perd dans un brouillard qui cache les montagnes de l’Athéa seule montagne d’Orion dont le sommet tutoie un ciel clair et lumineux. Le spectacle de cette eau qui tombe dans les gorges noires est à couper le souffle. Le bruit s’entend au loin, jusque dans les plaines de l’Özen. Les embruns qui entourent le site empêchent toute approche aérienne et rajoute à l’ensemble une aura mystérieuse ; surtout quand les trois soleils d’Orion venaient frapper de leurs derniers rayons ces cataractes gigantesques : l’eau semblait en feu ! Ces soleils à la taille inégale sont disposés de telle manière que le jour est constant, hormis pour les régions du nord. Un dicton local prétend que si les différents soleils ne se couchent jamais, il n’envapas de même pour les femmes. Orius ne privait pas de confirmer à ses amis que le dicton disait vrai !

Les plaines de l’Özen sont plus engageantes. Le fleuve devient large, son débit régulier. Les berges ne sont plus fracturées par des rapides dévastateurs, l’eau ne fait plus que les caresser, les frôlant amoureusement.

Plus au sud, de hauts plateaux à l’aspect terne et gris, balayés par des vents secs rendent ses terres inhospitalières. Les paysans qui y vivent ont la peau cuivrée, zébrée de ces rides que le labeur des champs laisse en héritage à ceux qui travaillent durement. Les femmes continuent à tisser elles même leurs vêtements : de longues robes légères et colorées. Les hommes avaient renâclé mais finalement ils ont fini par adopter la tenue officielle des travailleurs : un fuseau englobant tout le corps constitué d’un textile absorbant la sueur et les odeurs mais sitôt le travail terminé chacun reprenait avec joie les habits traditionnels à savoir une longue tunique sur un pantalon de toile. Un peuple bien curieux, fade en apparence : une taille plutôt courte pour résister aux vents violents qui s’en donnent à cœur joie sur les plateaux.   Des travailleurs robustes qui mènent une vie simple et besogneuse. D’un caractère taciturne, ce peuple tire sa force d’une aptitude des plus singulières. Ils communiquent par la pensée : lors de leurs « conversations » silencieuses, ces télépathes expriment par leurs mimiques toute la gamme possible des émotions. Pour un observateur extérieur c’était plutôt étonnant et assez amusant.

*

Orius était un citadin et les villages de ces régions ne l’attiraient guère. Il ne s’aventurait jamais plus loin que les alentours d’Oxana. Tout comme ses camarades il passait son temps à inhaler avec un sourire béat les cocktails que le centre de connexion proposait à sa clientèle fortunée. Une fois sortis du centre, le groupe d’amis se rendait systématiquement à l’embouchure du fleuve. Ils prenaient les capsules de transfert pour traverser la capitale Oxana qui concentrait presque à elle seule la totalité des habitants de la planète. Une ville magnifique où les vitraux de Gunavor, la ville des artisans et des artistes rivalisent avec l’or d’Alaya.Les capsules déversaient à toute heure du jour et de la nuit sa cargaison de familles de toutes conditions qui venaient profiter des plages au sable chaud et caressant. De là il était facile d’admirer le palais impérial et le sénat qui dominaient la ville. Les matériaux utilisés provenaient de toutes les planètes mais les architectes privilégiaient le cristal des régions du nord, pour les façades qui irradiaient au moindre rayon de l’un des trois soleils. Orius regardaient avec une envie et une ambition non dissimulée ces deux bâtiments songeant qu’un jour il réaliserait son rêve : occuper un de ces bureaux au dernier étage participer aux séances plénières du conseil impérial, côtoyer les gens qui font l’Histoire, prendre les navettes du terminal céleste pour embarquer l’air habitué, vers des destinations inconnues.

          Orion est incontestablement une planète qui ne laisse pas indifférent : une variété de peuples, de végétation à faire pâlir n’importe quel système mais la planète pouvait s’enorgueillir de posséder quelques particularités qui faisaient partie de son charme.

Les édénios : les vents chargés des pistils fluorescents des Gamesh, ces fleurs jaunes que l’on trouve sur les hauts plateaux. Ces pistils qui s’envolent à la moindre brise contiennent d’importantes substances aphrodisiaques. Le soir, les Edenios dévalent les pentes et balayent les champs transportant au loin ces effluves bienfaisants ! Lorsque que ces tornades d’un genre bien particulier traversent villages et quartiers, s’en suit alors un déchaînement de sensualité que rien ne peut arrêter. Curieusement de nombreux hôtels ont élu domicile dans ces régions. 

Mais ce qui attirait les plus grands penseurs de toute la galaxie : savants et scientifiques, poètes et romanciers, musiciens et sculpteurs c’était la citadelle des rêves.

Voilà ce qui faisait la renommée de cette petite planète. Un bâtiment plutôt sobre perdu sur les flancs d’un promontoire rocheux dominant les plaines de l’Özen. Une bâtisse ronde entièrement constituée de plaques de l’or d’Alaya la grande ville du sud célèbre pour ses mines. On y propose toute une série de techniques qui améliorent les performances intellectuelles grâce à des drogues des plus stimulantes. Un traitement à base de sang de Bark (un animal hybride, une grosse touffe de poil montée sur quatre pattes courtaudes) riche en oxygène était une des bases de la cure. Combiné à une alimentation saine et quelques séances d’hypnoses, vous ressentiez des effets des plus étonnants. Rien de bien extraordinaire, à part le sang de Bark qu’on ne trouve que sur Orion, c’est là le catalogue presque banal de tous les centres de régénération cosmique de tous les univers. Mais la réputation de la citadelle tenait au Napój. Un breuvage d’une puissance phénoménale à utiliser avec prudence. En cas de surdosage et sans les précautions élémentaires cette liqueur pouvait s’avérer dangereuse. La citadelle des rêves se transformait vite en celle des cauchemars. Celles et ceux qui avaient tenté l’expérience sans la préparation idoine le regrettaient amèrement.

Un breuvage élaboré depuis des millénaires et dont la fabrication restait secrète. Orius, par l’intermédiaire de son père, l’un des plus puissants commerçants d’Orion avait tissé des liens solides avec Tzelon, le vieux gardien de la tour du savoir. Un vieux bonhomme excentrique, aussi cultivé qu’amateur de bonne chair. A plusieurs reprises, il l’avait sollicité afin d’en savoir plus sur le Napõj dans le but d’impressionner ses amis mais le bonhomme était plutôt avare de confidences :

  • Tout ce que je peux te dire, c’est que ce breuvage contient des plantes et des racines provenant de plusieurs univers. Son utilisation obéit à des règles strictes comme tu le sais. Il faut le boire après un mois d’une cure rigoureuse. Voilà. Tu n’en sauras pas plus.
  • Mais quand même qu’est-ce que…
  • Tsss…tsss…suffit. Tu m’agaces avec toutes tes questions. En toute chose, le Mystère doit demeurer le moteur essentiel dit-il d’un air docte. Le Napõj existe pour lui-même et nous existons en partie à travers lui en accédant à des niveaux de conscience supérieurs.

Peu convaincu et insatisfait de ses explications, mais conscient qu’il aurait été vain d’en solliciter davantage, Orius se contenta d’acquiescer d’un air entendu.

  • Et si je t’expliquais réellement sa vraie nature il en perdrait de sa quintessence et par là de son efficacité. N’es-tu pas de mon avis toi qui a bravé l’interdit qui en est fait, de le boire sans autorisation ? 

Tzelon le sonda alors de ses yeux gris clair, aux sourcils broussailleux et fournis. Comment diable son vieil ami avait-t-il eu connaissance de cette histoire ?

Grâce à l’appui d’Enora fille d’un des maitres du Napõj, et réputée pour avoir la poitrine frétillante et la coquinerie qui va avec, il avait pu goûter à cette source cosmique. Elle avait subtilisé à son père quelques fioles qu’elle distillait avec parcimonie à ses amants de passage. Un soir, Orius eut le privilège de faire partie du lot. Enora l’attendait dans un déshabillé qui portait bien son nom et augurait de plaisirs faciles mais à peine eut-il avalé quelques gouttes du nectar censé le transformer en amant infatigable qu’il fut terrassé : la respiration saccadée, le souffle court, le cœur au bord de la rupture, les yeux écarquillés, comme pétrifié. La poitrine d’Enora n’avait plus aucun attrait et il s’imaginait déjà comme ces pauvres bougres qui en avaient abusé, être conduit jusqu’à la colonie pénitentiaire des régions nord. Le Napõj prenait désormais totalement possession de son esprit. Assailli par une succession de flashs désordonnés comme une sorte de fusion dévastatrice il ne contrôlait plus rien.  Tremblant, le cerveau en ébullition dans une perte totale de l’espace et du temps, des sensations vertigineuses quasi mystiques s’insinuaient en lui. A en croire ce qu’il avait raconté à ses amis il ne faisait plus qu’un avec le cosmos. Heureusement, l’effet ne dura guère, suffisamment cependant pour qu’il garde en mémoire cet épisode.

Pour les savants mieux préparés, l’effet était parait-il époustouflant mais ne dépassait pas les trois mois. Mais diantre, ces trois mois resteraient dans la mémoire des étudiants qui auraient le privilège d’assister à ces cours qui faisaient la renommée de de l’université intergalactique d’Orion qui accueillait à chaque rentrée une foule d’étudiants venus de tout l’univers. Comme tous les bâtiments officiels, l’université dépendait directement de l’empereur. Elle était bien entendu construite en cristal. Tout était lumière et transparence : des murs au bureau, de la chaise au tableau : une splendeur.

Comme nombre de ses camarades Orius se destinait à devenir traducteur : les voyages d’affaires de son père lui offraient un avantage certain. Il était plus doué que la plupart de ses professeurs.

  •   N’y voyez aucune forfanterie, juste un constat affirmait-il sans rire.
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